Rencontre avec Eric TOUSSAINT, Président des Vitrines de Reims

Eric TOUSSAINT, gérant de plusieurs boutiques à Reims, est Président de l’association des Vitrines de Reims depuis 2015.

Mélanie FAYE : Quand avons-nous travaillé ensemble, en 2015, quel était votre besoin en poussant la porte des Ressources et des Hommes ?

Eric TOUSSAINT : Mon besoin était clair : j’ai vécu plus de 55 ans dans l’ombre, sans jamais avoir à m’exprimer, si ce n’est dans un cadre privé. Et j’allais être, par le statut de président des Vitrines de Reims, amené à m’exprimer en public. J’en avais une peur panique, je ne savais pas du tout comment faire. Tout cela étant associé à une hyper émotivité. Le niveau était extrêmement haut en ce qui concerne ma capacité à ne pas pouvoir m’exprimer…

MF :C’était comment pour vous, la prise de parole « avant » ?

ET : C’est simple : j’avais un beau discours dans la tête, mais j’étais incapable de l’exprimer. Les rares fois où je l’ai fait, c’était quasiment sous forme d’onomatopées, de phrases très brèves, de réponses courtes, en aucun cas je ne soutenais un propos.

MF : Comment vous avez travaillé la prise de parole, chez nous ?

ET : Il y a eu 2 formes : une qui était psychologique, pour canaliser l’émotion, détourner l’angoisse qui monte, en se servant de mon vécu. Je me souviens très bien de cela, puisqu’on avait parlé de choses qui m’intéressaient, et on était arrivé sur le terrain de l’aviation. On avait parlé de cette idée de ligne de fuite, de garder la ligne d’horizon quand on fait du vol à vue. Ce parallèle est encore très présent. Je m’en sers toujours. On avait convenu d’un geste, qui permette de canaliser les émotions qui montent. Parce que ça arrive toujours, quand vient un évènement public, quand arrive l’heure H, je sens toujours cette émotion qui monte. Ce geste tout simple et personnel me permet de la gérer. Ça, c’était le premier aspect, disons psychologique de mon coaching.
Le deuxième aspect, il n’est pas tant sur la façon de parler, je crois, sans prétention que ça je n’en avais pas besoin, mais c’est surtout sur la reconnaissance de la personne que je pouvais être. Et c’est de cela qu’a découlé la capacité à m’exprimer. J’ai pris conscience de ma valeur.
Ça s’est fait sous forme d’entretiens, de 1 à 2 heures, pour creuser le sujet, en face à face, tranquillement. Dans une approche très personnelle, presque privée. Ce n’est pas une méthode qu’on appliquerait à tout le monde, mais c’est une approche complètement personnalisée. J’ai fait une sorte de petit training ici. Et comme j’avais une intervention de prévue à l’extérieur, et vous étiez venue avec une caméra pour me filmer en situation, et on avait ensuite débriefé. À la fois la façon de s’exprimer, et de se comporter, de se tenir. Ce qui n’est pas évident parce qu’on ne s’en rend pas compte. Il faut apprendre à être spectateur de soi-même.

MF : C’est comment la prise de parole « après » ?

ET : Et bien maintenant j’interviens régulièrement, sans panique, face à des auditoires divers. Devant de nombreuses personnes, mais aussi dans des réunions plus techniques, plus ciblées, où là il y a une écoute qui est plus importante, à défendre des sujets. Je m’y suis beaucoup impliqué, j’ai réussi au-delà de ce que je pensais possible de faire. C’est des réunions de 20/30 personne, avec des personnes importantes, parfois des représentants de l’État au plus haut niveau. C’est toujours impressionnant d’avoir parfois à les contredire. Ce qui est très important, c’est que j’ai réussi à le faire en étant posé. Je me suis surpris dans ces moments-là, à me sentir en tête à tête avec la personne, à oublier les gens autour. Ça m’a surpris de pouvoir à ce point m’investir dans ce que je disais. Ça a surpris aussi des gens qui me connaissaient et qui assistaient aux réunions. J’ai pu soutenir avec force vigueur et conviction des propositions qui, sur un plan perso, ne m’apportent rien. 
Sur des prises de paroles de type discours, j’ai essayé de rendre vivants et dynamiques ces discours qui peuvent être ennuyeux et se ressembler. J’essaie de faire une animation avec un binôme, pour faire une sorte d’échange et créer du mouvement. On ne peut pas le faire tout le temps, bien sûr, mais quand même assez souvent. Ça apporte de la dynamique et de l’intérêt. J’aime aussi le « sans fiche », prendre la parole sans papier. Pour ça, il faut avoir confiance en soi ! Faut y aller ! Quelque part, je « théâtralise » mes discours. Et j’ai eu de très bons retours, là dessus. Du coup, je me dis que les gens écoutent ! J’ai fait un constat en observant de derrière la scène des discours dits « classiques » : la tête des gens ne bouge pas, et ils ont tous un reflet bleu sur le visage.

MF : Le reflet de leur portable ??

ET : Exactement. Ils sont tous en train de travailler, ils n’écoutent pas. C’est dommage. Alors que quand vous impliquez les gens dans une histoire, en théâtralisant, vous avez beaucoup plus d’écoute. Et finalement, on fait cela pour que les gens écoutent.
Grâce à la confiance en moi que j’ai acquise par vos soins, dans un premier temps, j’ai osé faire. Et puis dans un deuxième temps, j’ai pu sortir du schéma classique, sortir du chemin, et dire : « Moi, je vais faire autrement. » Et j’avoue que je pourrais même dire que maintenant, j’y prends du plaisir !

MF : Vous conseilleriez cette prestation ? À qui ? Pourquoi ?

ET : À tout le monde ! Pas forcément à ceux qui ont à s’exprimer en public, ça va au-delà de ça. On est souvent entravé par des liens qu’on s’est fixés nous même. On n’ose pas, on est paralysé, on se restreint, on a peur du regard de l’autre, on perd du temps à se dévaloriser.
Grâce à ce coaching, j’ai énormément pris confiance en moi, et appris à canaliser mon émotion. C’est très important au début du discours, il faut réussir à la mettre « derrière » soi. Et après, on peut la laisser revenir pour sublimer l’histoire. L’émotion c’est ce qui donne la force au discours.

MF : Une différence, un plus, une particularité dans notre approche ?

ET : Par le passé, j’avais subi… vous voyez, je dis « subi », le choix du mot en dit long ! Bref, j’avais suivi une formation autour de la communication. C’était une sorte de méthodologie, avec quelques jeux de rôles, mais on sentait que c’était une méthode avec des points de passages obligatoires. C’était une sorte de cheminement qui était imposé. Je l’ai appliqué, ça fonctionne, je ne peux pas dire le contraire, mais ça ne donne rien de personnel. On ne fait qu’adapter. Ici, il y a vraiment quelque chose qui m’a fait faire un grand pas, même un pas énorme, un pas qui était inimaginable. J’en souffrais. Et aujourd‘hui, c’est une victoire, c’est une conquête. C’est parce que le coaching était personnel. La plus grande chose que j’ai sentie ici, c’est qu’on s’intéressait à moi, et pas juste à ce que je demandais. Et ça, c’est très très important. 
On se le dit souvent avec ma collaboratrice, c’est un truc dingue, ça fonctionne ! Là, il y a eu les vœux, il y a quelques semaines. Avec ma collaboratrice, et avec la personne qui allait animer cette cérémonie de vœux, on s’était vu pour se préparer : on en est ressorti avec 3 mots : « Yes we did », la phrase d’Obama. Juste cela, c’est tout ! J’ai bossé là dessus. J’ai trouvé 7 « points de passage ». Je me suis préparé tout seul. Et puis, j’arrive pour la répétition, à 18h. Avec mes feuilles. Je répète. Et c’est lamentable. La-men-table, je n’y arrive pas. Dans ma tête, je me suis dit que je devais aller au bout, avec mes feuilles, pour mémoriser mon texte, comme un acteur le ferait. Et après, je me suis dit « je vais jouer ». J’ai posé mes feuilles, et puis j’y suis allé. Et tout a très bien marché.

MF : Merci Eric, de nous avoir accordé un peu de votre temps.

ET : De rien !

Entretien enregistré le jeudi 2 février, au cabinet des Ressources et des Hommes.