A la source de l’inspiration

Vendredi 14 février 2020

Il est 9h30 du matin lorsque nous poussons la porte des Economats du Familistère de Guise.
Nous sommes 10 (Jérôme et Mélanie des Ressources et des Hommes, et les 8 dirigeant.e.s du Labo des entreprises pionnières) à nous retrouver là-bas, sur ce lieu d’expérimentation sociale et entrepreneurial incroyable. Mais vrai 🙂
L’idée est d’aller installer notre Labo au Familistère, en terre d’utopie, le temps d’une séance de travail.

Le Familistère, nous y étions allés quelques semaines auparavant entre collègues, pour réfléchir notre projet d’entreprise. Nous nous étions glissés, le temps d’une journée, dans les pas de Jean-Baptiste André Godin, industriel éclairé du XIXème.

Si peu que l’on soit en accord avec les principes de base de Godin, il y a quelque chose de fort lorsque l’on se rend sur ces lieux, et que l’on y respire le vent qui souffle.
L’endroit est magnifique, grand, vaste, élégant. Il ne ressemble à rien de connu architecturalement.
Dans son manifeste de 1871 Solutions sociales, Godin écrit « Avant que la masse comprenne, il faut que l’idée se traduise dans la pratique par les faits. »  Pour lui, réalisme et pragmatisme vont de pair avec vision et philosophie.

Quelque soit l’endroit où se pose le regard, il est emprunt de la pensée de Godin.

Vous voyez le théâtre ?
Il est au centre de la place, pour apporter lumière, culture et distraction. Mais si vous le regardez bien, vous voyez 2 couloirs qui le relie aux écoles adjacentes. Parce que l’accès à la culture est une pierre fondamentale de la formation des futures citoyens libres, et cet accès doit se faire dès la prime enfance.

Vous regardez les pavillons d’habitations ?
Ils sont monumentaux, sobres mais cossus, et font référence au palais de Versailles. Pour Godin, le confort de vie de l’ouvrier n’est pas un bonus, un luxe. Il est un droit auquel le salarié peut prétendre dès lors qu’il oeuvre pour l’entreprise. Godin ne fait pas de distinction entre l’homme au travail et l’homme dans sa vie personnelle. C’est au respect des 2, au confort des 2, à la liberté des 2 qu’il vise, de manière indistincte.

La modernité et l’innovation sont partout…

… dans les aspects techniques (bâtiment naturellement ventilés, piscine avec un fond réglable en hauteur pour que tout le monde ait pied, eau chaude récupérée de l’usine…) mais aussi sur les avancées sociales (diminution du temps de travail journalier, vote des femmes, école mixte laïque obligatoire jusque 14 ans). Il avait des dizaines d’années d’avance sur tout.

Même sur le modèle organisationnel, il était visionnaire. En 1880, il permet aux ouvriers d’accéder au capital, en achetant des parts. Il leur transmet l’entreprise. Les salariés deviennent co gérant, la Fonderie Godin se transforme en entreprise autogérée.

C’est sans doute cette capacité d’invention et d’innovation -Contre vents et marées, il a du lutter contre le pouvoir notable en place, l’église, et même une partie des ouvriers qui cherchaient où était l’arnaque !-  c’est cette capacité d’invention et d’innovation qui se sont taries doucement après sa mort en 1888. Peu à peu, le modèle s’est refermé sur lui-même. S’asphyxiant, se coupant du monde, s’isolant, et s’appauvrissant. L’aventure aura duré environ 110 ans. 

C’est chargé de cela, que nous avons posé nos valises en « Utopie réalisée »

pour une après-midi de réflexion sur la vision de l’entreprise et comment celle-ci s’inscrit dans une vision plus globale de ce que l’on souhaite apporter au monde.
Comment passer de la pensée à la pratique ? De la pensée philosophique à la réalité économique ? Comment faire face aux résistances de toutes parts (à commencer par les nôtres :-)?
C’est sur ce chemin bien singulier, propre au dirigeant et à son entreprise que nous accompagnons les membres du Labo.

Quelques phrases qui font sens ?

 » Le Familistère a donc à lutter contre les obstacles que lui créent l’ignorance du bien et l’habitude du mal. » 

 » Tel est le malheur des novateurs qu’obligés, pour donner carrière au progrès, de se mettre en contradiction avec les habitudes et les préjugés enracinés du passé, ils ont à supporter, de tous côtés, l’opposition de leurs contemporains. »

 » En perdant les illusions qui avaient motivé ma confiance, je fis un retour sur moi-même et pris la résolution de ne plus attendre de personne le soin d’appliquer les réformes sociales que je pourrais accomplir par moi-même. »

 » C’est moins avec des contrats qu’avec de bonnes paroles qu’on mène les ateliers. »

 » Mais dans toute transition, il faut aplanir des difficultés, il faut vaincre des obstacles que toute idée nouvelle rencontre dans son application. »

 » L’amélioration doit se développer d’elle-même : le milieu doit la produire, elle ne doit pas être imposée. »

 » L’homme est jaloux de sa liberté, même de la liberté qui le fait croupir dans le mal et dans la douleur; gardons nous de porter atteinte à ce sentiment, c’est un droit qui nous échappe. »